«On attrape les conséquences du réchauffement climatique mais on y participe également», bougonne un agriculteur, derrière son étal à saucissons. Ici, personne n’ignore ce qui alimente ce réchauffement climatique. S’ajoutant aux camions de frets et au chauffage à bois, un tsunami de visiteurs engloutit la ville, deux fois par an. La capitale de l’alpinisme, un sport qui se pratique aussi l’été, déborde. Parfois des disputes éclatent pour une voiture de trop, garée sur une pelouse privée. «Nos visiteurs s’entassent dans des bouchons au départ de la vallée. L’image fait tâche à côté des glaciers qui reculent», abonde François-Xavier Laffin.
En 2020, le chef d’entreprise se présente aux élections municipales de Chamonix. Il veut redorer l’image de la ville et faire d’elle un modèle sur les questions écologiques : «Nous devons faire rayonner la qualité de cet environnement exceptionnel en lui accordant l’attention qui lui est due», écrit-il sur son site de campagne. L’ambitieux promoteur en appelle à la fierté chamoniarde, pour rendre la ville «plus innovante, plus écologique, plus visionnaire, plus engagée».
Ce message fait écho dans la vallée. Les Chamoniards vivent presque exclusivement du tourisme, une activité qui dès 1740 a façonné la ville. Difficile d’abandonner du jour au lendemain cette économie, sous prétexte qu’elle participe à détruire les joyaux de la vallée. Certains habitants sont tout de même convaincus que leur ville porte une responsabilité supplémentaire en matière écologique. «Les Chamoniards sont les plus touchés, face au réchauffement climatique, ils doivent être irréprochables. Ici ce n’est même pas écolo», grince un fromager, place du marché. Pour lui, la municipalité doit montrer la voie, avec une gestion touristique et un fonctionnement exemplaire.
Surfant sur cette rengaine, François-Xavier Laffin obtient en juin dernier 34 % des suffrages avec sa liste étiquetée écolo. Cinq verts débarquent au conseil municipal. Un exploit. D’ordinaire, le bleu règne à Chamonix. Le pied du Mont-Blanc est un fief de droite depuis plus de 40 ans. Depuis cette percée, certains électeurs grincent des dents. «Laffin écolo ? Promoteur surtout», souffle un guide de haute-montagne. Comme beaucoup de Chamoniards, François-Xavier Laffin exploite une montagne qu’il veut préserver. L’agent immobilier peine à convaincre en ayatollah vert. «Personne ne me croit, mais il n’y a pas que l’argent dans la vie», se défend l’intéressé, qui possède plusieurs complexes touristiques dans la vallée. Il s’offusque, répète que l’intérêt collectif passe avant les affaires. En vain, son étiquette de promoteur lui colle à la peau.