Publié le 1er février 

Lithium dans l’Allier: 
une mine « verte » est-elle possible ?

Publié par Paul-Henri Wallet 

L’entreprise Imerys prévoit de construire l’une des plus grandes mines de lithium d’Europe dans l’Allier. Mais des acteurs locaux s’inquiètent du gigantisme de ce projet et dénoncent son impact environnemental

Une petite colline, d’à peine 700 mètres de haut, bordée d’une forêt de feuillus. Dans cet écrin, sur le site de Beauvoir, la commune d’Échassières dans l’Allier accueille l’une des dernières carrières de kaolin ‑une argile blanche utilisée pour fabriquer de la porcelaine. Au milieu de ce paysage minéral, le groupe Imerys, une multinationale spécialisée dans la production de minéraux industriels, prévoit d’installer l’une des plus grandes mines européennes de lithium. Sous l’impulsion de l’Union européenne, en effet, la France, qui avait arrêté ses activités minières depuis une trentaine d’année, a décidé d’extraire des « matières premières critiques et stratégiques ». Ces métaux, comme le lithium, le graphite ou le cobalt sont indispensables à la fabrication des technologies décarbonées (batteries de voiture électrique, alternateurs, panneaux solaires etc.). En novembre dernier eurodéputés et états membres se sont entendus pour encadrer l’approvisionnement de ces matériaux : d’ici 2030 l’UE doit être en mesure d’assurer sur son territoire au moins 10% des besoins d’extraction, 40% de la transformation et 25% du recyclage de ces métaux. 

Énergie verte contre environnement

À l’heure actuelle, ces matériaux nécessaires à la transition énergétique sont en très grande partie importés depuis la Chine. Cependant, rouvrir des mines, pour retrouver une souveraineté énergétique, c’est aussi prendre le risque de dégrader l’environnement : Imerys s’efforce donc de convaincre les acteurs locaux de la durabilité de son projet. En 2024, la relance de l’industrie minière en France n’en est qu’à ses balbutiements. Si un large inventaire, a été commandé en octobre dernier pour identifier de nouveaux gisements, le site de Beauvoir est le projet le plus avancé.

Cet immense gisement de lithium, devrait permettre d’extraire 34.000 tonnes « d’or blanc » par an à partir de 2028. Dans l’Allier, Imerys est toujours en train de réaliser des études d’impact, mais deux associations : « Stop mines 03» et «Préservons la forêt des Collettes», militent activement pour dénoncer « le danger environnemental » que représente le projet.

Interrogée par le CFJ, la position de Préservons la forêt des Collettes est très claire. « Nous ne voulons pas de mines, ni ici ni ailleurs. », indique Cécile, une de ses responsables. Ces militants écologistes, pour qui le retour des mines dans le paysage européen constitue une catastrophe environnementale, dénoncent le gigantisme du projet annoncé sur le site de Beauvoir. «Le lithium, n’est pas facile à extraire et son extraction génère beaucoup de déchet. On nous annonce un objectif de 34.000 tonnes de lithium par an, mais pour l’atteindre, il faudra sortir deux millions de tonnes de roche par an. Ce projet est pharaonique. Pour le lancer, il faudra déforester, et déstabiliser les rivières environnantes, la mine générera aussi du bruit de la poussière et représentera une forte pollution visuelle » s’alarme Cécile. François Manne, enseignant chercheur, à l’institut des mines de technologie (IMT) des Mines d’Alès, tempère la nuisance environnementale du projet. « Les mines et leurs usines ont nécessairement un impact », concède-t-il. Mais aujourd’hui nous avons mis au point des technologies qui permettent de le limiter drastiquement. « Les nouvelles Mines 4.0, comme celle que s’apprête à creuser Imérys, sont durables et respectent l’environnement au maximum » martèle le chercheur.

 

Le site de Beauvoir vu du ciel.

Préserver les ressources en eau

La question de l’eau centralise la majorité des inquiétudes soulevées par le projet. Dès l’annonce du projet en 2022, le groupe écologiste de la région Auvergne-Rhône-Alpes, favorable, à l’implantation de la mine s’était ainsi inquiété de « la pression sur la ressource locale en eau » dans un contexte où le bassin de la Sioule grâce auquel la mine devrait s’approvisionner en eau, « a été en proie à de fortes sécheresses ces dernières années. ».

Denis James, le maire de Coutanzouze, l’une des communes qui borderont la mine s’inquiète lui aussi pour la question de l’eau. « Je pense qu’il n’y aura pas de risques d’assèchement, puisque qu’Imérys nous a dit que seul 1% de la Sioule devrait être aspirée, indique-t-il, mais le problème semble être davantage la disparition des ruisseaux présents sur la zone. Le forage du granit, sur la colline de «la bosse », qui accueillera la mine risquera de déclencher des infiltrations. Ainsi au lieu s’écouler, l’eau pourrait s’infiltrer ce qui engendrerait la disparition des petits cours d’eau». Une préoccupation qui semble effectivement fondée pour François Manne, de l’IMT Mines Alès. « C’est tout l’intérêt des études d’impact et notamment des études hydrogéologique, qu’Imérys réalise actuellement » explique le chercheur. « Dans le cahier des charges, il est prévu que la mine respecte son environnement et notamment les ressources en eau. Si elle l’affectait, il faudrait trouver un moyen de le compenser. » François Manne balaye cependant le risque de pollution des nappes phréatiques lié au rejet des produit chimiques employés dans la mine. «Aujourd’hui, les normes sont très claires, aucune pollution des nappes n’est possible et les entreprises du secteur en sont tout à fait conscientes.»

Gérer la pollution atmosphérique 

Autre sujet d’inquiétude, la pollution atmosphérique engendrée par les nombreux camions qui transiteront entre la mine et son usine de traitement. « Cela va représenter un trafic important et donc beaucoup de rejet de CO2 », s’inquiète Denis James, le maire de Coutansouze. Là encore François Manne, se veut rassurant: “Tous les tombereaux d’Imerys sont électriques il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir en ce qui concerne les rejets d’émission de carbonne. Par ailleurs, les mines 4.0, sont faites pour utiliser le moins de carburant et d’électricité possible. L’intelligence artificielle permettant d’optimiser l’utilisation des outils miniers. »

La question de l’après-mine

La question de l’après-mine est également sur la table. Une fois les gisements miniers exploités, certains sites, en effet, sont restés à l’abandon, par le passé. A la fermeture des exploitations, le paysage est resté pollué et encombré par les roches extraites. Selon François Manne, ce type de pratique n’aura plus cours à l’avenir. « Une mine produit toujours des déchets, il s’agit des résidus de roche, restant, une fois le minerai extrait. Mais aujourd’hui, on pratique, l’auto-remblayage, c’est-à-dire que ces déchets sont remis dans la mine au fur et à mesure. Au préalable rendu inertes, c’est-à-dire traité de manière à ne pas impacter l’environnement », explique le scientifique. Les mineurs s’engagent également à restaurer la biodiversité à l’issue de leur exploitation. « Cela fait partie des préoccupations inhérentes au lancement d’une exploitation, lorsque l’on déboise par exemple, on s’engage à compenser la déforestation. Des arbres seront toujours replantés par la suite », ajoute le spécialiste. 

Limiter l’impact social 

Pour que leur projet avance, les mineurs ont tout intérêt à se préoccuper de la manière dont il sera reçu par la population locale. « Les entreprises travaillent beaucoup sur l’acceptabilité des mesures. Aussi, il est nécessaire que les citoyens comprennent que l’entreprise se préoccupe elle aussi de l’environnement et qu’elle accepte de répondre à leurs interrogations», explique François Manne.  Dans le cas de la mine de Beauvoir, l’entreprise Imerys, a engagé d’importants moyens de communication. Sur son site, elle publie régulièrement des articles pour évoquer l’avancée du projet. « Nous sommes régulièrement invités à prendre part à des réunions (publiques) où nous pouvons poser nos questions. » explique ainsi Denis James. « Cela reste une entreprise industrielle et ils gardent leurs secrets. Ils nous disent seulement ce qu’ils ont envie de nous dire », affirme le maire de Coutansouze. 

D’autre projets miniers en cours 

Selon le BRGM (Bureau de recherche géologique et minières), chargé de mener l’inventaire des sites miniers, il existerait en France une quarantaine de sites miniers répartis sur trois régions : le Massif Central, la Bretagne et l’Alsace. Plusieurs projets sont déjà sur la table. Ainsi à Rittershoffen, en Alsace un permis de recherche a été accordé pour trouver du lithium. Le procédé employé dans cette région est très différent. Contrairement au site de Beauvoir le lithium détecté en Alsace n’est pas présent dans de la roche mais dans une eau saumâtre situé à trois kilomètres sous terre. Pour l’exploiter, l’entreprise Eramet devra aspirer cette eau avant de la raffiner. Dans le Puy-de-Dôme, sur les communes de Vic-Le-Comte, Coudes et Parent, la société Sud Mines a également demandé des permis de recherches. Elle projette d’extraire du lithium et de l’hydrogène.

Retrouvez notre dossier « L’Europe à perte de vue »