Jordan Bardella, au Parlement Européen. 

Fin du droit du sol à Mayotte : l’extrême droite revendique une victoire idéologique

Eric Ciotti, Eric Zemmour et Jordan Bardella ont appelé le gouvernement à mettre fin au droit du sol sur l'ensemble du territoire français, et non à seulement Mayotte. La gauche s'inquiète d'une offense à un « principe républicain ».

En déplacement à Mayotte, dimanche 11 février, Gérald Darmanin était attendu sur des mesures fortes. Le 101e département français est paralysé depuis trois semaines : des barrages de collectifs de citoyens protestent contre les flux massifs d’immigration en provenance des Comores voisines. Le ministre de l’intérieur, qui était accompagné de la ministre déléguée aux Outremers Marie Guénevoux, a annoncé l’intention de l’exécutif de changer les règles d’obtention de la nationalité française à Mayotte.

« Le président de la République m’a chargé de dire aux Mahorais que nous allons prendre une décision radicale qui est l’inscription de la fin du droit du sol dans une révision constitutionnelle, a expliqué le ministre, peu après sa descente de l’avion. Il ne sera plus possible de devenir français si l’on n’est pas soi-même enfant de parent français. Nous couperons l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel ». Cette mesure est réclamée depuis des années par la majorité des élus locaux et de la population mais elle n’a « jamais été accordée ».

L’annonce a été saluée par l’extrême droite. « Cela fait 20 ans que nous réclamons la fin du droit du sol pour l’intégralité du pays », a rappelé Jordan Bardella. Invité de France info, le président du RN a estimé que « la nationalité française s’hérite ou se mérite », que « la France n’a pas vocation à être un guichet social » et « n’a pas vocation à être le réceptacle de toutes les misères du monde ».

Eric Zemmour, le fondateur de Reconquête s’est lui, fendu d’un post sur X (anciennement Twitter) pour assurer une position similaire. « Gérald Darmanin reconnaît enfin que le droit du sol est une pompe aspirante de l’immigration, a tweeté le fondateur de Reconquête, Eric Zemmour. Alors, il ne faut pas se limiter à Mayotte : il faut le supprimer partout en France ! »

« Ce qui se passe à Mayotte risque de toucher demain la France métropolitaine. Partout sur le territoire national nous devons supprimer le droit du sol ! » a affirmé sur ce même réseau social Eric Ciotti, le patron Les Républicains. Et d’ajouter, dans un second post, que « la suppression du droit du sol à Mayotte va dans le bon sens mais c’était sans compter sur le “en-même temps” macronien. Il fallait lire les conditions particulières. Le ministre de l’Intérieur annonce aussi la fin des visas territorialisés à Mayotte et ouvre les portes de la métropole aux détenteurs d’un titre de séjour sur l’archipel. La chorégraphie reste inchangée depuis 2017 : un pas en avant, deux pas en arrière ».

Une décision “inéluctable” pour François Bayrou

Dans la majorité présidentielle, François Bayrou, a estimé dimanche que la suppression du droit du sol à Mayotte était « inéluctable ». « J’ai proposé cette décision dès 2007, il y a presque vingt ans. Je suis persuadé depuis cette époque qu’on ne peut pas échapper à la réalité telle qu’elle se présente à Mayotte », avec une « migration constante depuis les Comores » qui provoque des « vagues de rejet (…) dangereuses et considérables », et une « migration africaine », a expliqué le président du MoDem sur LCI. « Il y a une décision qui est inéluctable depuis des décennies (…). Mais de ce point de vue là, les gouvernements successifs n’ont pas fait ce qu’il fallait ».

La gauche déplore « l’attaque » d’un « fondement républicain »

« S’il y a une volonté de faire une réforme constitutionnelle qui s’en prend à nos principes on s’y opposera », prévient l’insoumis Eric Coquerel. Le président de la commission des finances de l’Assemblée , invité de France Info dimanche, observe que « la France n’est pas seulement un territoire », mais aussi « des principes et notamment des principes républicains ». Dont « celui du droit du sol qui nous oppose à tous les pays qui ont des conceptions ethniques de la Nation ». D’où la nécessité de rester méfiant : « un jour on nous expliquera que ce qui sera valable pour Mayotte doit être valable pour d’autres territoires français ».

Sa collègue insoumise Manon Aubry regrette, dans un tweet, que « la Macronie, après avoir brisé le tabou de la préférence nationale, attaque la conception même de la nationalité, fondement de la République ».

Le député écologiste du Val‑d’Oise Aurélien Taché a, lui, dénoncé sur BFM-TV « la porte ouverte à la fin du droit du sol dans notre pays ». « Pourquoi un département de droit commun de la République française se verrait appliquer un autre droit que les autres départements ? Je suis inquiet de la boîte de Pandore que ça peut ouvrir ; si Marine Le Pen est élue, elle supprimera le droit du sol », a‑t-il déploré.