
Vaccination contre le paludisme en Afrique : un tournant “historique”
Il y a trois semaines, le Cameroun devenait le premier pays du monde à vacciner sa population en routine contre le paludisme, qui tue plus de 600 000 personnes chaque année, dont 95% en Afrique. Un moment clé qui a déjà encouragé d’autres pays voisins à lancer des campagnes de vaccination.
Lors du lancement de la campagne de vaccination, le 22 janvier, des centaines de parents, accompagnés de leurs enfants, ont fait la queue devant ce petit hôpital de la ville de Soa, au Cameroun. Noah Ngah, un nourrisson de six mois, était le tout premier à recevoir sa première injection du vaccin RTS,S contre le paludisme sous les encouragements et les chants des infirmières de l’un des nombreux centres de vaccination des 42 districts déclarés prioritaires par le gouvernement, rapporte l’Agence France-Presse. Le Cameroun, qui compte 28 millions d’habitants, est le premier pays d’Afrique à lancer une campagne de vaccination systématique et à grande échelle au monde contre le paludisme. Une “étape historique” selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la lutte contre cette maladie parmi les plus meurtrières chez les enfants africains.
“La campagne de vaccination a été lancée au Cameroun car ce pays est particulièrement touché par le paludisme. Il concentre une grosse partie de la mortalité. Par ailleurs, la politique de santé du Cameroun est proactive sur le paludisme”, explique Olivier Silvie, directeur de recherches au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses. Le paludisme, également appelé malaria, est une maladie transmise à l’être humain par les piqûres de certains types de moustiques. Ses ravages sont considérables : chaque année, elle tue plus de 600 000 personnes, dont 95% en Afrique, selon l’OMS. Les enfants de moins de cinq ans sont particulièrement vulnérables : ils comptent pour plus de 80% des décès.
“C’est la première fois que ce vaccin est administré en routine”
Il aura fallu attendre deux mois pour amorcer la campagne. Le 21 novembre, plus de 300 000 doses du vaccin antipaludique avaient été livrées au Cameroun, pour que le vaccin RTS,S soit injecté gratuitement, selon le gouvernement, et systématiquement à tous les enfants de moins de six mois, en même temps que les autres vaccins classiques. Un “moment historique”, selon ce même chercheur, spécialisé dans le paludisme : “C’est le fruit de quarante ans de recherches dans le traitement contre le paludisme. Nous sommes à une étape clé car c’est la première fois que ce vaccin est administré en routine, c’est-à-dire qu’il est inoculé aux nourrissons lors des premières visites médicales. Cette campagne de masse représente un progrès important et permettra d’évaluer l’effet du vaccin sur la transmission du paludisme.”
Un tournant “historique”. Non seulement pour le Cameroun mais aussi pour les pays voisins, affirme, plein d’espoir, Olivier Silvie : “Cette campagne aura sûrement un effet bénéfique sur les autres pays d’Afrique, qui vont embrayer sur ce pas. Nous sommes dans un moment où le système de santé peut s’emparer des outils vaccinaux.”
C’est déjà le cas : il y a une semaine, le Burkina Faso a lancé à son tour une campagne de vaccination contre le paludisme, première cause de mortalité infantile dans le pays sahélien qui compte plus de dix millions de cas par an. “Aujourd’hui c’est vraiment une journée historique, parce que nous introduisons une arme redoutable contre le paludisme. Il s’agit du vaccin et nous commençons par le vaccin RTS, S, qui est efficace et sûr”, avait alors affirmé le ministre burkinabè de la Santé, Lucien Marie Robert Kargougou, dans la ville de Koudougou où la campagne a été lancée. Par ailleurs, le Burkina Faso, le Liberia, le Niger et la Sierra Leone devraient recevoir 1,7 million de doses du même vaccin dans les semaines qui viennent. D’autres pays africains devraient également en recevoir dans les mois à venir. Le Ghana, le Kenya et le Malawi ont pu administrer depuis 2019 le vaccin dans certains districts, selon un schéma à quatre doses qui débute vers l’âge de 5 mois. Plus de 2 millions d’enfants ont été vaccinés dans ces trois pays africains, entraînant une “baisse spectaculaire” de la mortalité, selon l’Alliance du vaccin Gavi, ainsi qu’une réduction substantielle des formes graves du paludisme et des hospitalisations.
“La révolution viendra le jour où on aura un vaccin vraiment efficace contre le paludisme”, affirme Olivier Silvie. Actuellement, il existe deux vaccins antipaludiques : le premier, le RTS,S, efficace dans 39% des cas, a tout de même permis de faire baisser considérablement le nombre d’hospitalisations dues à un paludisme grave et de réduire le nombre de décès d’enfants. Le deuxième, le R21, est plus récent. “S’il y des petites différences au niveau technique, celui-ci est efficace à 75 % contre les infections dans les essais cliniques, ce qui reste assez bas. Tout de même, ce vaccin utilisé en routine aura un impact”, pointe le chercheur. Ces vaccins doivent toutefois être administrés de concert avec d’autres méthodes préventives, telles que l’usage de moustiquaires ou encore d’insecticides car “les deux vaccins à eux-seuls ne permettent pas d’éradiquer cette infection”.