
Mise en pause du plan Ecophyto : les apiculteurs inquiets pour leur filière
L'annonce du premier ministre Gabriel Attal, le 1er février, a jeté un froid sur un secteur déjà chahuté par la prolifération des frelons asiatiques et l'importation de miel ukrainien et chinois. En cause : l'usage de pesticides à l'origine d'une mortalité accrue des abeilles.
Le secteur retient son souffle. Au moins jusqu’à la conférence de presse prévue par l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), à l’Assemblée nationale ce mardi à 16 heures. Ensuite, des mesures pourraient être décidées. Les apiculteurs se préparent à passer à l’action. « Je ne sais pas encore quelle forme cela prendra, mais si le gouvernement ne revient pas sur ses annonces, on se mobilisera », avertit Julien Tartoué, apiculteur à Durtal (Maine-et-Loire) et président régional de l’association des professionnels de la filière. Le ton est donné.
Le 1er février dernier, Gabriel Attal a annoncé la suspension du Plan Ecophyto, dans l’espoir de calmer la colère des agriculteurs qui protestent depuis plusieurs jours dans le pays. Créé en 2009, ce plan devait permettre la réduction de 50% de l’usage des produits phytosanitaires à l’horizon 2030 (par rapport à la période 2015–2017). Autrement dit, sa mise en pause implique que la réduction progressive des pesticides employés en France n’est plus à l’ordre du jour.
Vers une pénurie de miel ?
Un désastre pour les abeilles. « Les produits phytosanitaires détériorent leur système nerveux, ce qui les empêche de retrouver leur ruche après le butinage », détaille Gonzague Collong, président du syndicat des apiculteurs du Morbihan. « Une simple petite dose de pesticide suffit ! », renchérit Julien Tartoué. Sans le retour des abeilles, la ruche perd des ouvrières que la reine ne peut pas remplacer. La production de miel va alors obligatoirement chuter. « On estime en effet que certains territoires ont perdu jusqu’à 40% des populations ces 20 dernières années », alertait Axel Decourtye, directeur de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l’abeille), dans une interview à La Dépêche du Midi le 1er décembre dernier.
« Les mortalités sont passées de 5 à 30% par an de nos jours, ajoute une représentante de l’UNAF. Les rendements de miel par ruche ont donc été significativement réduits, divisant la production par deux en 20 ans. » Si l’usage de pesticides est l’un des facteurs de cette mortalité, il faut aussi prendre en compte le changement climatique et l’arrivée du frelon asiatique. Les importations de miel d’Ukraine et de Chine, elles, sont à l’origine d’une concurrence jugée déloyale par les apiculteurs.
Ce triste constat de la disparition des abeilles est partagé par Matthieu Charasse, président du syndicat des apiculteurs de la Loire : « Cette année, j’ai perdu 50 à 60% de mon cheptel. Mais je crains surtout les conséquences pour l’année prochaine. » Chez les apiculteurs, beaucoup considèrent que mettre en pause le plan Ecophyto est un terrifiant « retour en arrière ». « On s’est battus pendant plus de 20 ans contre les néonicotinoides, finalement interdits en 2018 [qui font cependant l’objet de dérogations pour les cultures de betteraves, ndlr ], mais là on est face à un réel danger de retomber dans ces travers », poursuit Julien Tartoué. D’autres professionnels s’estiment lésés. « On a toujours été mis de côté face aux agriculteurs, comme si on était moins essentiels », regrette Gonzague Collong.
De quoi les pousser à la mobilisation. Déjà, la semaine dernière, des dizaines d’apiculteurs se sont réunis pour protester à Nantes et à Lyon. Selon Julien Tartoué, une intersyndicale pourrait décider de s’organiser. « Il est bien rare qu’on ne suive pas le même schéma que le monde agricole, qui est d’ailleurs en train de revenir à la charge. » Avec en tête, une date particulière : celle du Salon de l’Agriculture, qui ouvre ses portes le 24 février.