Sebastien SALOM-GOMIS / AFP 

Accusations de viol visant Gérald Darmanin : 7 ans de procédures et un non-lieu

Après de nombreux rebondissements, la Cour de cassation rend mercredi après-midi sa décision sur le pourvoi formé par Sophie Patterson-Spatz après le non-lieu, confirmé en appel, rendu en faveur de Gérald Darmanin qu'elle accuse de viol.

La Cour de cassation a rejeté, mercredi 14 février, le pourvoi formé par Sophie Patterson-Spatz, qui accuse Gérald Darmanin de l’avoir violée en 2009, rendant définitif le non-lieu rendu en faveur du ministre de l’Intérieur dans cette affaire.

Après des enquêtes classées à trois reprises et des démêlés procéduraux, Mme Patterson-Spatz avait obtenu en 2020 la désignation d’une juge d’instruction.

M. Darmanin, qui conteste les accusations, n’a pas été mis en examen et la magistrate a rendu un non-lieu en sa faveur en 2022, confirmé en appel l’année suivante. De la première plainte déposée en 2017 par la plaignante jusqu’à son pourvoi en cassation en 2023, CFJ Lab revient en huit actes sur ces sept années de procédures judiciaires. 

Acte I. Une première plainte déposée en 2017

Sophie Patterson-Spatz dépose une première plainte pour viol au printemps 2017. L’ex-sympathisante de l’UMP (devenu LR depuis), aujourd’hui âgée de 52 ans, accuse celui qui est devenu ministre de l’intérieur de lui avoir demandé une relation sexuelle en échange de soutien dans une affaire judiciaire. 

En 2009, la plaignante s’était adressée à Gérald Darmanin, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP, pour obtenir un appui alors qu’elle souhaitait effacer de son casier judiciaire une condamnation de 2005 pour chantage et appels malveillants à l’égard d’un ex-compagnon. 

Selon les déclarations de la plaignante, Gérald Darmanin l’aurait alors invitée quelques jours plus tard à dîner, puis aurait insisté pour qu’elle l’accompagne notamment dans un hôtel, lui faisant miroiter son possible appui, via une lettre qu’il s’engageait à rédiger auprès de la Chancellerie. Il aurait en échange demandé une relation sexuelle. Pour Me Tuaillon-Hibon, l’avocate de la plaignante, il s’agit d’un « viol par surprise » et d’un rapport sexuel « extorqué », « ni libre, ni consenti ». De son côté, le ministre de l’intérieur avait affirmé lors de la procédure avoir « cédé aux charmes » d’une plaignante « entreprenante ».

Acte II. Une enquête préliminaire ouverte en juillet 2017 

Un échange de SMS entre eux, neuf mois après la soirée litigieuse, est au coeur du dossier. 

Dans la nuit du 17 décembre 2009, la jeune femme écrit : « Abuser de sa position. Pour ma part, c’est un être un sale con … Quand on sait l’effort qu’il m’a fallu pour baiser avec toi. Pour t’occuper de mon dossier ». 

Gérald Darmanin lui répond : « Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ? ». 

Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Paris en juillet 2017. Avant d’être rapidement classée sans suite. La plaignante ne répond pas aux convocations des enquêteurs. 

Acte III. Une nouvelle enquête ouverte en janvier 2018

Une nouvelle plainte pour viol, harcèlement sexuel et abus de confiance est déposée par Sophie Patterson-Spatz en janvier 2018. Une nouvelle enquête est ouverte et Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, est convoqué en audition libre en février. 

Gérald Darmanin confirme avoir eu une relation sexuelle avec la jeune femme, mais consentie et à l’initiative de la plaignante. « Il n’y a eu aucune contrepartie », affirme-t-il. Il faut moins d’un mois pour que l’enquête soit classée pour « absence d’infraction »

La même année, une habitante de Tourcoing accuse également Gérald Darmanin de l’avoir forcée à avoir des relations sexuelles en échange d’un logement et d’un emploi, entre 2015 et 2016. Sa  plainte pour abus de faiblesse est classée sans suite en 2018.

Acte IV. Un non-lieu prononcé en août 2018

Sophie Patterson-Spatz dépose plainte avec constitution de partie civile et élargit ses accusations : abus de confiance, extorsion de consentement sexuel, escroquerie au consentement sexuel, viol et harcèlement sexuel. 

La juge d’instruction saisie de l’affaire refuse de reprendre les investigations en août 2018, sous prétexte que l’enquête prédominerait serait suffisante pour écarter les accusations. Un non-lieu est prononcé. 

Acte V. Reprise des investigations en juin 2020

L’affaire est relancée en juin 2020 lorsque la cour d’appel de Paris ordonne la reprise des investigations à l’encontre de Gérald Darmanin, estimant que la magistrate instructrice « ne pouvait se fonder uniquement sur les résultats de l’enquête préliminaire » pour rendre un non-lieu. 

Le 14 décembre 2020, Gérald Darmanin, devenu ministre de l’Intérieur en juillet 2020, est placé sous le statut de témoin assisté par une nouvelle juge d’instruction, un statut intermédiaire entre celui de témoin et celui de mis en examen.

Acte VI. Confrontation en 2021

Le 12 mars 2021, Gérald Darmanin est convoqué au tribunal judiciaire de Paris pour être confronté à son accusatrice. Après presque dix heures passées dans le bureau de la juge d’instruction, Gérald Darmanin reste finalement sous le statut de témoin assisté. 

Le 7 septembre 2021, la juge d’instruction en charge du dossier décide de ne pas mettre en examen le ministre de l’Intérieur et prononce la fin des investigations dans l’enquête pour viol. 

Acte VII. Deuxième non-lieu prononcé en 2022

Le 11 juillet 2022, la juge d’instruction prononce finalement un non-lieu en faveur du ministre de l’Intérieur, conformément aux réquisitions défendues en janvier 2022 par le parquet de Paris. Deux jours plus tard, le 13 juillet 2022, Sophie Patterson-Spatz fait appel. 

Lors d’une audience à huit clos le 13 décembre, le parquet général requiert la confirmation du non-lieu en l’absence des deux protagonistes. 

Le ministère public écarte « l’hypothèse d’accusations mensongères ou malveillantes » de la plaignante mais estime qu’ « il ne peut être considéré qu’(elle) n’a pas consenti à l’acte sexuel », selon les réquisitions du parquet consultées par l’AFP.

Acte VIII. La plaignante forme un pourvoi en cassation en janvier 2023 

Le 24 janvier 2023, la cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance de non-lieu rendue en juillet 2022. Dans la foulée, Me Elodie Tuaillon—Hibon, l’avocate de la plaignante, annonce se pourvoir en cassation. 

La Cour de cassation a examiné mercredi 17 janvier dernier l’admissibilité du recours de la plaignante lors d’une audience non-publique. Le rapporteur comme l’avocat général ont conclu à sa non-admission, selon deux sources proches du dossier. 

En cas de rejet du pourvoi, l’avocate de la plaignante entend « saisir la Cour européenne des droits de l’Homme » et entamera aussi une action en responsabilité, une procédure visant à faire condamner l’Etat pour déni de justice. 

Acte IX. Accusations de viol: la Cour de cassation valide le non-lieu en faveur de Gérald Darmanin

La Cour de cassation a rejeté, mercredi 14 février, le pourvoi formé par Sophie Patterson-Spatz, qui accuse Gérald Darmanin de l’avoir violée en 2009, rendant définitif le non-lieu rendu en faveur du ministre de l’Intérieur dans cette affaire. La plus haute juridiction française clôt ainsi le volet judiciaire de cette affaire.