©Yasser Qudih/XINHUA/MAXPPP - Yasser Qudih / XinHua / Maxppp, GAZA  

Guerre Israël-Hamas : Rafah au risque du « cauchemar humanitaire »

« Une offensive israélienne sur Rafah entraînerait une catastrophe humanitaire indescriptible et de graves tensions avec l’Egypte », prévient Josep Borell, chef de la diplomatie européenne, alors que Benyamin Netanyahu appelle son armée à préparer l'opération.

 

Le dernier refuge des Gazaouis est désormais l’objet de toutes les inquiétudes. Samedi, Benyamin Nétanyahou avait ordonné à ses troupes d’y « préparer une opération » terrestre pour démanteler les « derniers bastions restants du Hamas ». « La moitié de la population de Gaza est maintenant entassée à Rafah et n’a nulle part où aller », avait par la suite réagi sur X (anciennement Twitter), le secrétaire général de l’ONU qui s’est préoccupé du « cauchemar humanitaire » qu’impliquerait une offensive israélienne à Rafah. 

« Je fais écho à l’avertissement lancé par plusieurs Etats membres de l’UE selon lequel une offensive israélienne sur Rafah entraînerait une catastrophe humanitaire indescriptible et de graves tensions avec l’Egypte », a, lui, abondé Josep Borell, chef de la diplomatie européenne. Des avertissements qui se sont multipliés au sein de la communauté internationale ces derniers jours.

Une population multipliée par cinq

Avant le conflit, Rafah comptait près 280 000 résidents. Selon les estimations de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), la ville, limitrophe avec l’Egypte et seul point de passage de l’aide humanitaire, concentre désormais près d’un million et demi de Palestiniens : une multiplication par cinq. « Le gouvernorat, qui comprend la ville et la plage de Mawasi Rafah, a désormais la plus forte densité de population au monde, avec plus de 22 200 personnes par km2 », affirme le quotidien La Croix.

« Les images satellites des zones rurales de Rafah montrent une masse de tentes et d’autres structures temporaires qui se sont multipliées depuis la mi-octobre. Dans les zones urbaines de Rafah, une masse de personnes et de nouvelles structures temporaires sont visibles dans les rues. »

L’exode a été progressif : dès le 13 octobre, l’armée israélienne a ordonné aux habitants du nord de l’enclave d’aller vers le centre et le sud. Au début du mois de décembre, les militaires ont demandé une nouvelle évacuation de larges zones dans le centre et à Khan Younès. Des dizaines de milliers de Gazaouis ont alors repris la route, direction Rafah, sur fond de chaos humanitaire.

Risques de famine

La concentration de déplacés « a atteint le stade où les routes sont bloquées par les tentes », a déclaré Andrea De Domenico, chef du bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés (Ocha), à Franceinfo. « Le trajet depuis notre bureau jusqu’à la maison où sont logées nos équipes, qui durait auparavant douze minutes, peut aujourd’hui prendre jusqu’à deux heures et demie, le temps de naviguer à travers la foule compacte. »

L’augmentation exponentielle de la population se couple aux difficultés d’acheminement des vivres et des médicaments pour l’aide humanitaire, longtemps bloquée à la frontière égyptienne. Le 25 décembre dernier, les caméras de France Télévision captent la scène d’un assaut par les habitants d’un convoi humanitaire. « 99% des familles de Rafah, en ce moment, ont un seul repas par jour, commente Anas Baba, un journaliste palestinien, au micro de Franceinfo. Un repas avec des boîtes de conserve, mais parfois, c’est juste du pain. » Selon l’OMS, 93% de la population de Gaza « a atteint des niveaux critiques de faim » : la communauté internationale alerte contre des « risques de famine ».

Réapprovisionnement des hôpitaux « extrêmement difficile »

La situation hospitalière est au bord du collapse. Le représentant de l’OMS dans ce territoire, Dr Rick Peeperkorn explique, sur le site de l’ONU, que le réapprovisionnement des hôpitaux et centres médicaux de l’enclave est « extrêmement difficile ». Le médecin humanitaire français, Raphaël Pitti, rentre de 15 jours à Gaza dont plusieurs passés à Rafah.  « A notre arrivée, nous avons découvert près de 25 000 personnes agglomérées autour de l’hôpital pour tenter d’améliorer leurs conditions de vie. Ils se sont construit des abris de fortune à l’aide de tapis, de couverture, de plastique… À l’intérieur, près de 3 000 personnes se sont installées pour se protéger », témoigne-t-il depuis l’hôpital européen de Khan Younès à dix kilomètres de Rafah, dans une interview au Républicain Lorrain. Et d’ajouter : « Il y a des problèmes d’eau, de nourriture, d’évacuation d’eau, des pluies qui créent des inondations, des gens entassés dans des écoles ou des habitations précaires. Il y a évidemment des problèmes de soins à cause du froid, des problèmes respiratoires en raison du chauffage au bois, des pathologies chroniques, l’absence de traitement, de médicaments… C’est un désastre humanitaire. Et les bombardements se poursuivent. »