JO 2024 : ces propriétaires qui contournent les règles pour pousser leurs locataires vers la sortie

A l’approche des Jeux olympiques, certains propriétaires cherchent à récupérer leur logement pour les louer au prix fort aux touristes, au détriment de leurs locataires, quitte à user de prétextes fallacieux.

Virginie Audinot, avocate spécialisée en droit immobilier, voit le nombre de dossier qu’elle reçoit doubler depuis décembre, quelques mois avant les Jeux olympiques : « C’est la loi du plus faible contre le plus fort, le bailleur se donne tous les droits en contournant les règles ». De nombreux propriétaires poussent leurs locataires à rendre leur logement pour le basculer en location touristique, quitte à mentir sur les motifs d’expulsion.

Des conditions strictes pour donner congés

Avant de reprendre son bien, le bailleur doit donner « congé » au locataire pour qu’il libère les lieux au plus tard à la date d’échéance. Les congés doivent être annoncés aux locataires six mois à l’avance pour un logement loué vide et trois mois pour un logement meublé. Selon l’Agence départementale d’information sur le logement, les congés pour reprise ont augmenté de 23% en 2024, un phénomène en pleine expansion à l’approche des Jeux olympiques. 

Les congés sont pourtant soumis à des règles strictes : « Le propriétaire peut reprendre son logement afin de l’habiter, de le donner à un proche, de le vendre ou bien en avançant un motif légitime et sérieux, explique l’avocate, la dernière condition comprend aussi bien le non-paiement du loyer que la réalisation de travaux. Toutes ces conditions sont très difficiles à prouver. » Si les délais de la demande de congé sont respectés, mais qu’un soupçon d’abus est avancé par le locataire, la justice ne peut intervenir qu’après expulsion du locataire.

Des arguments difficile à prouver

Tom vit dans un meublé de 15 mètres carrés, dans le quartier du Marais, à Paris. « Le propriétaire m’a donné congé brutalement à la fin de l’année 2023 pour récupérer son bien en avril 2024 par notification d’huissier dans ma boîte aux lettres. Aucun courrier ni aucun appel de sa part, ni même de l’agence immobilière. » Pour entrer dans le cadre légal, le bailleur coche la justification familiale, affirmant reprendre son bien pour y loger un proche.

Tom a pourtant un doute sur les motivations réelles de son propriétaire. « Sa fille aurait terminé son congé maternité et souhaiterait revenir sur Paris. Mais j’ai du mal à imaginer une femme ayant un bébé en bas âge vivre dans un 15 m2 au 6ème étage d’un immeuble sans ascenseur. »

« Je ne veux pas me retrouver à la rue »

Virginie Audinot a l’impression d’avoir entendu ce témoignage des dizaines de fois. « La difficulté dans cette affaire est de prouver la validité du congé maternité. La seule solution est d’avoir recours à une enquête de voisinage et une vérification d’un huissier pour espérer obtenir des dommages et intérêts. Mais pour parvenir à ces contrôle, il est nécessaire de connaître ses droits en tant que locataire, ce qui est rarement le cas. » Si l’abus est reconnu par le juge, le propriétaire risque l’annulation du congés et une amende pouvant aller jusqu’à 6000 euros.

Certains locataires risquent de se retrouver sans solution d’hébergement à une période où le marché sera saturé. « Mon bail se termine le 1er août, après un contrat de deux ans. Mon propriétaire m’a demandé de quitter mon logement en avançant vouloir le vendre. Etonnant en plein mois d’août », s’étonne Antoine, étudiant à Paris. Depuis qu’il a demandé des justifications juridiques, plus aucune réponse de son propriétaire. En stage dans une entreprise pendant toute la période des Jeux olympiques, il craint de devoir se retrouver à la rue car « les prix des Airbnb sont exorbitants ».

Un business qui profite aussi aux locataires

Mais le juteux business des locations pendant la période des Jeux olympiques profite également aux locataires, nuance maître Zeitoun. « Il existe des abus de la part des locataires qui sous-loue leur bail sur des plateformes comme Airbnb, une pratique strictement interdite, mais de plus en plus fréquente. » 

Dans la plupart des cas, les voisins alertent les propriétaires des allers et venues de sous-locataires. Les locataires risquent alors d’être expulsés définitivement du logement et de verser l’intégralité de leur recette perçue au propriétaire.