
Ouverture du procès AZF : « C’était seulement pour faire peur »
Le procès de Michel D. et de sa complice Perrine R. s’est ouvert mardi devant le Tribunal correctionnel de Paris. Les deux prévenus sont poursuivis pour avoir envoyé plusieurs lettres à l’Etat durant l’hiver 2003-2004, menaçant de faire sauter des bombes sur des voies ferrées de la SNCF.
« Les menaces, c’était du flan, de la fanfaronnade ». Le procès de Michel D. et de sa complice Perrine R., 62 ans, s’est ouvert vingt ans après les faits devant le Tribunal correctionnel de Paris, mardi 13 février. Les prévenus comparaissent libres et doivent répondre d’accusations d’association de malfaiteurs et de fabrication et détention d’engins explosifs sans autorisation.
Michel D. et Perrine R. se cachaient derrière le groupe armé AZF — ainsi nommé d’après l’explosion d’une usine AZF à Toulouse en 2001 - qui a envoyé neuf lettres à la présidence de la République et au ministère de l’intérieur, menaçant de faire sauter des bombes déposées sous les voies ferrées de la SNCF, à l’hiver 2003–2004.
Se présentant comme un « groupe de pression à caractère terroriste secrètement créé au sein d’une confrérie laïque à spécificité éthique et politique » dans ses courriers, AZF assurait avoir enfoui « une série de bombes » sous le ballast de voies ferrées, et réclamait une rançon allant de 4 à 8 millions d’euros, en échange des coordonnées GPS des engins explosifs.
S’ensuivirent des échanges farfelus avec les autorités via des appels anonymes et des petites annonces publiées dans le quotidien Libération à destination de « mon gros loup » (AZF) et signées « Suzy » (Beauvau). Une bombe « sophistiquée » sera découverte sur les indications du groupe au mois de février 2004 sur la ligne Paris-Toulouse. Un mois plus tard, une seconde bombe sera retrouvée par hasard par un agent SNCF sur la ligne TGV Paris-Bâle.
Le lendemain de la découverte de la seconde bombe, et après deux échecs de remise de la rançon, un ultime courrier sera envoyé à l’intérieur et à la présidence annonçant la fin du projet terroriste d’AZF, signé par un « sans rancune, et à bientôt ».
Malgré de longues années d’enquête, aucune piste ne s’est révélée fructueuse. C’est l’ancien compagnon de Perrine R., ayant dénoncé à la police son ex-compagne et Michel D., dont il était associé, qui a permis l’interpellation des prévenus.
« Les bombes retrouvées n’étaient pas l’oeuvre d’un amateur »
Cheveux grisonnants, oreilles décollées, Michel D. flotte dans un manteau trop grand pour lui et s’adresse d’une voix claire et forte à la présidente du Tribunal : « Les menaces terroristes, la référence à Ben Laden et au sacrifice d’innocents… C’était seulement pour faire peur. Il n’y avait pas de vrai risque que cela explose. »
Pourtant, « les bombes retrouvées n’étaient pas l’œuvre d’un amateur », commente la présidente du Tribunal à la lecture des expertises des démineurs, selon qui « le premier engin aurait bien pu exploser ». Un argument balayé par Michel D., qui affirme avoir saboté les deux engins explosifs, mais reconnaît toutefois « un risque résiduel ».
« Mais qu’est ce qui amène une personne de votre âge, de votre situation, à mettre en œuvre une telle démarche ? », s’interroge la présidente du Tribunal. « J’ai perdu les pédales, ça reste un mystère pour moi », répond le prévenu.
En 2003, la société Clairefontaine, spécialisée dans la purification de l’eau, fondée par Michel D. en 1997, fait faillite. L’ingénieur, qui se dit doué d’une « capacité d’hyper inventivité » cherche à se refaire et à financer son projet de moteurs à eau, sans succès. C’est là que lui vient l’idée de poser des bombes et de demander une rançon à l’Etat, dans une démarche « pacifiste », « humaniste », « anticapitaliste » et « altermondialiste ».
« En réalité, j’aime beaucoup la SNCF »
Si le prévenu reconnaît avoir « déraillé » — « c’est le cas de le dire », lui rétorque la présidente — et dit avoir « évolué depuis vingt ans », certaines de ses positions, elles, semblent inchangées. « Je suis profondément choqué que la SNCF se porte partie civile et demande de l’argent. Vous devriez vous féliciter qu’il ne se soit rien passé, plutôt que de chercher à en faire profit. Le monde est gouverné par l’argent », lance-t-il à la partie civile, avant de conclure : « En réalité, j’aime beaucoup la SNCF. »
Quant à Perrine R., son ancienne employée, Michel D. affirme l’avoir choisie pour « sa largeur d’esprit » et sa « sensibilité écologique ». Elle lui aurait servi « d’assistante », notamment pour passer des appels téléphoniques aux autorités et surveiller le passage des trains tandis que le prévenu posait les bombes sous les voies ferrées. C’est également elle qui a fait disparaitre les équipements utilisés par Michel D. lors de la préparation des engins explosifs, ainsi que les fausses plaques d’immatriculation utilisées pour transporter les deux individus pendant l’opération.
La responsabilité de Perrine R. reste floue. La prévenue sera entendue dans les prochains jours par le Tribunal.