
Robert Badinter a‑t-il empêché une enquête sur des crimes de guerre israéliens en territoire palestinien ?
FACT-CHECKING. C’est ce qu’affirment plusieurs posts sur X et des articles publiés sur les sites web de médias français. Les Ateliers du CFJ ont vérifié cette affirmation.
Depuis la mort de Robert Badinter vendredi 9 février, plusieurs tweets affirment que l’ancien garde des sceaux se serait opposé à l’ouverture d’une enquête sur de potentiels crimes de guerre en territoires palestiniens, commis depuis 2014.
Plusieurs de ces tweets renvoient vers un article publié sur le blog Mediapart de Christophe Oberlin. Ce chirurgien de la main est connu pour des prises de position marquées en faveur des droits des Palestiniens. Il est notamment l’auteur du livre Chrétiens de Gaza.
Dans son article, Christophe Oberlin s’appuie sur un fait établi. En 2019, une procureure de la Cour Pénale Internationale, Fatou Bensouda, a annoncé son intention d’ouvrir une enquête sur les éventuels crimes de guerre, commis depuis juin 2014, dans les territoires palestiniens par l’armée israélienne.
Invité à s’exprimer sur l’enquête en sa qualité de juriste, Robert Badinter écrit, en 2020, que « la Cour pénale internationale n’a pas de juridiction sur les crimes prétendus avoir été commis en Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est et la bande de Gaza. » En effet, pour que des faits puissent être instruits par la Cour, il faut qu’ils aient été commis dans des pays signataires du traité de Rome de 1998, ou qu’ils concernent des ressortissants de ces mêmes Etats.
Or, selon Robert Badinter, « le terme “Etat” selon l’article 12(2) (a) du statut de la cour signifie que l’Etat est souverain, or la Palestine ne l’est pas.(…) Ce n’est pas à la CPI de déterminer si la Palestine est un Etat souverain selon le droit international (…) ». Avec ces mots, c’est le juriste Robert Badinter qui s’exprime sur la forme juridique.
Un avis qui ne sera d’ailleurs pas suivi par la Cour. En effet, en 2021, Fatou Bensouda confirmera l’ouverture de l’enquête.
Et sur le fond ?
Robert Badinter s’est-il opposé à l’ouverture de cette enquête parce qu’il faisait peu de cas du sort des Palestiniens, comme le laisse croire Christophe Oberlin ?
Le magazine Challenges s’est entretenu avec Robert Badinter fin 2023, après les attentats du 7 octobre. « La sécurité des Israéliens passe par l’émancipation des Palestiniens », avait déclaré l’ex-garde des sceaux. « Netanyahou est un danger pour les Israéliens, un danger pour les libertés publiques, un danger pour la démocratie. Heureusement, une partie du peuple s’était soulevée avant le 7 octobre. Il y a pire encore : des partis ouvertement racistes qui “font” la majorité parlementaire, des ministres favorables à l’expulsion des Palestiniens… C’est invraisemblable. » Un désaveu net de la politique du premier ministre israélien de la part de Robert Badinter.