
Condamnation d’Israël à Rafah : un nouveau tournant dans la pression internationale ?
Après l’annonce par Benjamin Netanyahou d’une offensive d’ampleur dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, les puissances occidentales alertent sur les risques que cette attaque pourrait représenter pour la population civile. Des avertissements auxquels il est resté jusqu'ici insensible.
La communauté internationale intensifie la pression. Depuis l’annonce par Benjamin Netanyahou d’une nouvelle offensive terrestre d’ampleur sur la ville de Rafah, ‑à l’extrême sud de la bande de Gaza- samedi, les condamnations de la politique Israélienne fusent. Lundi, le ministère des affaires étrangères français affirmait qu’une « offensive israélienne à grande échelle à Rafah créerait une situation humanitaire catastrophique d’une nouvelle dimensions » et appelait à « l’arrêt des combats ». La même semaine, la Chine, le Royaume-Uni, et les États-Unis ont pris des positions similaires.
Il faut dire que le sort des populations civile à Rafah est particulièrement préoccupant. Depuis le début du conflit, le 7 octobre dernier, les militaires israéliens poussent les civils gazaouis à migrer vers le sud du territoire pour fuir les bombardements. Près d’1,4 million de personnes se trouvent réfugiées dans une zone de 150 km² autour de la ville. Ils y vivent dans une situation sanitaire, alimentaire et humanitaire très critique. Mais les prises de position internationales peuvent-elles permettre d’éviter le lancement d’une nouvelle offensive ?
Des condamnations timides
Les condamnations ne sont pas nouvelles. En effet, si dans les premiers jours de la guerre, après les massacres du 7 octobre, la communauté internationale avait largement dénoncé les attaques du Hamas et les Etats occidentaux soutenu Israël dans son droit à se défendre, des prises de positions beaucoup plus critiques ont rapidement émergées.
« Les pays non alignés, et non occidentaux ont très rapidement pris leurs distances avec la politique d’Israël. Et certains sont allés beaucoup plus loin, comme l’Afrique du Sud qui a déclaré que le pays commettait “un génocide de la population palestinienne à Gaza” », rappelle Sylvaine Bulle, chercheuse au CNRS et spécialiste des relations internationales. « On a eu également vu les condamnations d’organismes internationaux comme l’Unesco, puis des associations de juristes, qui ont dénoncé la disproportion des actions de combat menés à Gaza», note la chercheuse.
Les Etats occidentaux, quant à eux, avaient été les derniers à appeler au cessez-le-feu dans les mois qui ont suivi la guerre. «Aujourd’hui, ils continuent de le faire et sont bien obligés de condamner l’attaque annoncée par Netanyahou sur Rafah tant ses conséquences pourraient être dramatiques pour la population », poursuit la spécialiste. Selon elle, les condamnations anglaise, française et allemande restent « timides et ne devraient pas vraiment avoir d’impact sur la politique menée par Israël. C’est une bascule, rhétorique et discursive, une façon de crier haut et fort son impuissance », explique-t-elle.
Selon Sylvaine Bulle, ces déclarations auront d’autant moins d’impact qu’Israël a perdu l’habitude de tenir compte des déclarations internationales depuis des décennie. « Dès 1967, et la guerre des Six jours, Israël a cessé d’y prêter attention. Elle avance toute seule et ne soucie pas non plus des organisations internationales, qu’elle considère comme antisémites », ajoute la chercheuse.
Les Etats-Unis, pays pivot
Pour Deborah Rouach, spécialiste cofondatrice de l’institut du genre en géopolitique, la perspective de voir Netanyahou infléchir sa politique est d’autant moins probable que le premier ministre Israélien, est bloqué. « Il s’est engagé dans cette guerre en disant, qu’il allait éradiquer le Hamas et sauver les otages et aujourd’hui il ne peut plus faire machine arrière, explique la chercheuse. Netanyhou a beaucoup à prouver vis-à-vis de sa population mais aussi de à la communauté juive du monde entier, à qui il veut assurer qu’il continuera d’assurer leur défense quoi qu’il arrive. » Par ailleurs, pour la spécialiste, la population israélienne n’a pas revue ses positions sur la guerre depuis le 7 octobre, contrairement à la communauté internationale. « La population est toujours en État de choc et de sidération. Elle considère que la guerre est juste et continuera de la soutenir même si le pays se retrouve complètement isolé d’un point de vue diplomatique », affirme-t-elle.