La loi sur le mariage des couples homosexuels sera votée ce jeudi 15 février par le parlement grec. 

Grèce : pourquoi le parti conservateur fait voter une loi en faveur du mariage gay?

Un parti conservateur grec qui légalise le mariage pour les couples de même sexe avec le soutien de l’opposition de gauche : la situation peut paraître contradictoire. Analyse.

 

La Grèce pourrait devenir le 16ᵉ pays de l’UE et le premier pays orthodoxe à légaliser le mariage pour les couples homosexuels. Ce jeudi 15 février, le Parlement grec devra voter une loi sociétale qui pourrait marquer un tournant dans ce pays où l’Église est très influente et conservatrice. À la manœuvre, le parti conservateur Nouvelle Démocratie du premier ministre Kyriákos Mitsotákis qui a fait de ce texte un argument clé de sa réélection en juin 2023.

Une volonté d’affaiblir la gauche grecque

Venant d’un gouvernement grec ancré à droite, cette mesure progressiste peut surprendre. Pourtant, pour le premier ministre conservateur Kyriákos Mitsotákis, il s’agit de stratégie, analyse Joëlle Dalègre, spécialiste de la société grecque : « Cette réforme, c’est surtout un coup politique pour mettre à mal l’opposition de gauche, surtout dans un moment où l’on reproche au gouvernement de ne pas être totalement libéral ». Cette loi progressiste aux airs de contre-pied permettrait donc à Kyriákos Mitsotákis de faire oublier le tournant libéral pris par le gouvernement, notamment après la mise sous écoute de journalistes et opposants politiques au printemps 2022 par les services de renseignements grecs ou son projet actuel de privatisation des universités.

De plus, ces derniers mois, la politique grecque a été marquée par l’ascension du nouveau leader du parti de gauche Siryza : Stéfanos Kasselákis. Ce jeune homme d’affaires, qui a fait carrière aux États-Unis, se revendique ouvertement homosexuel et fait de l’égalité l’un de ses combats. Pendant la campagne de juin 2023, la stratégie du premier ministre sortant a donc été simple : couper l’herbe sous le pied de son opposant – quitte à se mettre à dos la toute-puissante Église orthodoxe.

Une loi qui rencontre une faible opposition

Une manifestation anti mariage pour tous a été organisée à Athènes dimanche et a mobilisé 4 000 personnes. « C’est une faible participation si l’on compare avec les récentes manifestations des agriculteurs ou des étudiants », selon Joëlle Dalègre. Pour elle, « les Grecs sont davantage préoccupés par l’inflation que par la question du mariage pour tous. D’ailleurs, c’est une aubaine pour Mitsotákis, il sait très bien que peu de gens vont prêter attention à sa réforme. Dans le même temps, cela permet de faire oublier ses mesures très radicales sur le plan économique ».

Sur les 158 députés de la majorité conservatrice, une cinquantaine d’entre eux s’est opposée à la légalisation du mariage pour tous. Pour Joëlle Dalègre, « Kyriákos Mitsotákis va perdre une petite partie de sa majorité qui aura le courage de montrer son désaccord, mais il sait que la gauche n’aura pas le courage de voter contre un texte qui va dans sens […] Pour lui, c’est une prise de risque minimale ».

L’Église orthodoxe, qui n’est pas séparée de l’État grec, est la plus farouche opposante à la loi. Début février, dans un communiqué incendiaire, le clergé grec s’était dit « totalement opposé » à la légalisation du mariage pour les couples de même sexe. Pourtant, selon Joëlle Dalègre, l’Église n’est pas en mesure de faire plier le gouvernement : « La Grèce a beaucoup changé ces dernières années, les gens se soucient moins de ce que pensent les popes qui passent souvent pour des réactionnaires ».

Pragmatisme

Pour le premier ministre, il s’agit surtout de mettre fin au vide juridique qui entoure la naissance des enfants de couples homosexuels nés d’une GPA à l’étranger. Si le PACs pour les couples de même sexe avait déjà été autorisé, et que le mariage gay est en passe de devenir légal, l’adoption et la GPA pour les couples homosexuels sont exclues de la législation. En effet, les enfants de deux pères, ne peuvent pas être enregistrés à l’état civil où il est obligatoire d’inscrire le nom d’une mère. « Comme en France, c’est avant tout une question de pragmatisme juridique que de convictions progressistes », commente Joëlle Dager.