Un employé de l'entreprise "Comaboko" travaille, le 05 mars 2004 à Saint-Malo, sur un four à vapeur servant à stériliser des bâtonnets de surimi déjà conditionnés. AFP PHOTO/MARCEL MOCHET (Photo by MARCEL MOCHET / AFP) 

Le surimi, cauchemar écologique pour les océans ?

Des associations appellent à manifester à Saint-Malo, mercredi 15 février, pour dénoncer le projet d’usine de production de pâte à surimi sur l’un des plus grands chalutiers au monde.

« Un navire de l’enfer ». Il y a quelques mois, la Compagnie des Pêches de Saint-Malo a acquis un nouveau chalutier, l’Annelies Ilena. Long de 145 mètres, le navire contient un chalut de 600 mètres capable de capturer 400 000 kilos de poissons toutes les 24 heures. Mercredi 15 février, des associations de protections des océans se sont réunies à Saint-Malo pour critiquer une pêche massive qu’ils jugent écocidaire. A bord du géant de la pêche, une usine embarquée produira du surimi.

Un produit attractif

Ce produit est fabriqué à base de pâte blanche de poisson, principalement du colin d’Alaska ou du merlan bleu. En France, il a l’obligation d’être composé d’au moins 30% de chair de poisson, depuis 2002. La production mondiale de surimi représente environ 48 kilos par seconde, soit 1,5 million de tonnes de surimi par an. Avec 63,400 tonnes par an, la France est le deuxième producteur et consommateur de bâtonnets de surimi au monde.

Originaire du Japon, la version française « n’a plus rien à voir avec le produit original, explique Laetitia Bisiaux de l’association Bloom, qui œuvre pour la conservation des océans. Le poisson le plus utilisé pour produire le surimi est le merlan bleu. Après avoir été pêché, il est mixé avec du sel, du sucre et de l’amidon pour en faire une pâte de poisson qui est congelée à bord puis débarquée sur terre pour fabriquer le produit final dans des usines ». Les industriels y ajoutent du colorant orange et des arômes de crabe.

Avec une valeur monétaire pauvre, « quelques centimes le kilo en criée », précise Laetitia Bisiaux, le merlan bleu est pêché en très grande quantité pour être rentable. Seul les filets du poisson sont préservés, le reste est rejeté en quantité massive dans les océans : « un gâchis d’ampleur » selon la spécialiste. « Ce poisson est mal valorisé. Pourquoi en faire une bouillie en bâtonnet sans goût pour y ajouter des arômes de crabe, alors qu’il pourrait être consommé entier ? »

Une espèce fragile

Charles Guirriec, ingénieur en pêche, décrit le merlan bleu comme une espèce très fragile. « Le fait de le transformer en surimi n’est pas une mauvaise chose : c’est un produit qui s’abîme assez vite. Il est pêché au chalut pélagique avec peu de contact avec le fond marin et ne détériore pas directement la flore marine. » 

«  Le vrai problème avec le business du surimi est qu’il dépeuple la population du large », ajoute l’ingénieur. Le merlan bleu est une espèce de fourrage et permet de nourrir des centaines d’autres animaux marins : « Sa pêche massive brise la chaîne alimentaire marine. On se retrouve alors avec de plus en plus de dauphins échoués sur nos plages qui se laissent mourir de faim. »

Comme dans la pêche industrielle en général, le modèle économique du surimi ne fait pas vivre l’économie locale. « Il existe une usine de surimi à Saint-Malo mais elle a très peu d’employés. Cet énorme chaluter est une honte pour les artisans-pêcheurs, ajoute Laetitia Bisiaux. Il est le symbole d’un modèle écocidaire qui rend malade nos océans. »