
« Haaland »: Freeze Corleone peut-il être condamné pour apologie du terrorisme ?
« La liberté d’expression est particulièrement protectrice des œuvres artistiques », estime l’avocat Jean-Sébastien Boda.
« En défense j’suis Kalidou, t’es Lenglet / Burberry comme un grand-père anglais / J’arrive dans l’rap comme un camion qui bombarde à fond sur la… » Promenade des Anglais ? Telle est la chute à laquelle beaucoup ont pensé, en écoutant le morceau « Haaland », sorti la semaine dernière par le rappeur Freeze Corleone. Si le rappeur ne termine pas sa phrase, la référence a semblé suffisamment explicite au goût du parquet de Nice pour mériter l’ouverture d’une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme. « Horrifié », Jean-Claude Hubler, fondateur de l’association de victimes Life for Nice, a expliqué avoir, de son côté, chargé son avocat de déposer une plainte pour le même motif. Peut-on être condamné pour une insinuation ? Analyse avec Jean-Sébastien Boda, avocat au barreau de Paris et docteur en droit.
Est-il possible d’être condamné pour des propos insinués ?
La preuve est très difficile à rapporter. Mais si on arrive à prouver que l’intention est de faire passer le message de l’apologie du terrorisme, alors oui, il est possible d’être condamné. Le message n’a pas nécessairement besoin d’être explicite pour constituer une apologie du terrorisme. Sinon il serait possible de dire toutes les pires horreurs, à la seule condition de ne pas compléter ses phrases.
Etant donné que Freeze Corleone ne dit pas les mots « Promenade des Anglais », comment la preuve d’une apologie du terrorisme peut-elle être constituée ?
L’enquête le dira. Peut-être qu’il reconnaîtra lui-même qu’il évoque effectivement dans ce passage l’attentat de Nice. Dans ce cas, l’accusation sera corroborée par ses propos. Autre possibilité : quelqu’un qui écrit avec lui peut témoigner en ce sens.
Dans le cas où le rappeur assume la référence, peut-il plaider la liberté de s’exprimer et de provoquer ?
C’est très difficile, en France, de condamner des propos tenus dans un cadre culturel. La liberté d’expression est particulièrement protectrice des œuvres artistiques. Orelsan a subi de très nombreuses attaques, en 2009, lorsqu’il a sorti « Sale pute ». A l’époque, il y a eu des poursuites mais aucune condamnation. Freeze Corleone peut tout à fait assumer la référence, mais réfuter la notion d’apologie de terrorisme, en invoquant la liberté de création et de provocation. Le rappeur peut dire : « J’ai simplement voulu évoquer la violence qui a pu émaner de cet acte-là, que je ne nomme pas. »